«Je suis rebouteuse ». Le mot est tombé ! Sonnant, jovial, inquiétant peut-être… Il résonne dans la tête et le corps, fait remonter des souvenirs lointains et un semblant de frisson. Ça sent le souffre et l’inquisition.

«Rien de tout ça !» Rigole Eliane Kovar.
«Il est vrai que le reboutement est un art millénaire qui nous a été transmis de génération en génération, qui s’est étoffé dans le temps de techniques empiriques et scientifiques permettant de remettre en mouvement les parties souffrantes du corps. »
Arriver dans un joli cabinet où plantes et pierres jouent des coudes avec des pots en verre remplis de liquides dans lesquels macèrent des racines a de quoi surprendre. «l’art des rebouteux n’est pas fait que de manipulations, je me dois de connaître les vertus des plantes et la préparation de pommades et tisanes pour soulager mes patients» m’explique Eliane avec un sourire. Et de continuer: «cela fait longtemps que je suis dans le domaine des soins.
D’abord infirmière, puis naturopathe, j’ai fini par comprendre que le don de guérisseur présent dans ma famille voulait s’exprimer par mes mains aussi. C’est ainsi que j’ai appris le reboutement chez mon beau-fils,rebouteux connu à Bex.»
Après les questions de santé pour une anamnèse complète, les mains expertes recherchent les zones douloureuses, moins mobiles et plus tendues. «Les mains sont mes outils, elles me renseignent sur les tensions et stagnations du corps. Cela me donne des indications sur les endroits où poser des ventouses »
Des ventouses!? «Oui, les ventouses ont un effet anti-inflammatoire qui par le vacuum produit, remettent en circulation les liquides stagnants dans les endroits douloureux, permettent un apport d’oxygène et de nutriments aux tissus et l’élimination des toxines» me rassure mme Kovar Je sens remonter le vieux souvenir de ma grand-mère qui posait des ventouses à mon grand-père lorsqu’il avait la toux. 

Ça avait l’air inquiétant pour mes yeux d’enfant. Mais Mme Kovar, d’une main experte pose les ventouses une à une, là où c’est nécessaire… «Je les laisse entre 15 et 20 minutes, pour qu’elles aient le temps de faire leur travail, avant que je fasse le mien» me dit Eliane avec un clin d’œil entendu.
C’est vrai qu’au début ça tire un peu et ça n’est pas trop confortable, puis je m’habitue et la conversation reprend de plus belle et j’en oublie les ventouses…
Une fois les ventouses enlevées, je peux m’allonger sur la table de massage. Les mains habiles empoignent les pieds, travaillent les orteils, les chevilles. «Nos pieds nous portent tous les jours et ils ont besoin de détente et d’attention. Le corps est un tout qu’il faut rééquilibrer des pieds à la tête» précise Mme Kovar avant de continuer les manipulations. Genoux, hanches, bassin, tout y passe.
Mes lombaires craquent doucement sous les doigts experts. «Ce n’est pas la force qui est importante, mais le placement correct
pour remettre en place les structures, c’est un travail d’horloger»
m’explique ma thérapeute. «Le haut du dos est bien tendu» m’entends-je dire. Oui, le
travail à l’ordinateur, assise toute la journée n’aide pas, je le sais bien. Par des manipulations douces, des pressions exercées aux bons endroits, par du décordage, petit à petit les tensions lâchent,
se résorbent comme par magie. «Certaines douleurs vont encore se faire sentir un peu, car l’inflammation est encore présente, mais vous allez voir, dans quelques jours elles seront parties», «Et pour votre épaule,
je vous propose cette pommade articulaire faite avec les plantes de mon jardin.» me propose Éliane en me tendant un petit pot.
En l’ouvrant, il présente une odeur de
résineux et de foin qui me rappelle la campagne. «C’est la térébenthine qui fait cet effet avec les huiles essentielles et le macérat de romarin» «appliquez-le trois fois par jour, ça va vous aider». «Comment vous sentezvous?»
Je me sens légère, plus mobile et détendue après le soin. Rien de sorcier en soi : une grande habilité, une écoute attentive et un savoir-faire développés avec le temps.
J’ai encore une question à poser à ma thérapeute: Que pouvezvous soigner en tant que rebouteuse?
Mme Kovar me répond : « Mes soins s’adressent à des personnes de tout âge qui ont des soucis de santé, des douleurs dorsales, articulaires, musculaires, des tensions, des problèmes de digestion et j’en passe. Dans ma pratique, le commandement n° 1 est de ne pas nuire. Je n’hésite pas à envoyer une personne voir son médecin lorsque je sens que c’est nécessaire. C’est une question de sécurité et d’honnêteté pour le patient. »
C’est sur ces paroles que prend fin mon premier rendez-vous chez la rebouteuse. Je reviendrai, c’est sûr, pour un prochain soin.
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